Jean-Pierre Rodrigot - Marc Laffont - Violaine Laveaux
Intérieur jardin fait suite au festival Cahors de jardin en jardin,
organisé par l’association Effeuillage, les 30, 31 mai et 1er juin derniers.
Cette exposition s’installera dans la durée puisqu’elle restera ouverte
tout au long de l’été. Elle témoigne à ce titre de l’engagement de
la Ville de Cahors et du Service Patrimoine en particulier pour la
valorisation de la thématique des jardins. Intérieur Jardin est donc
une coproduction Effeuillage Ville de Cahors.
Jardin d’abord : cet espace vert, minéral, clos, ouvert, libre, maîtrisé,
vivant en tout cas, est désormais la caractéristique de la Ville de
Cahors. Trente jardins remarquables labellisés par le Ministère
de la Culture en 2006 ; un fait unique en France. Puis les autres,
ces jardins inconnus, devinés, secrets, cachés derrière un mur,
au creux des badernes, dans le quartier des Hortes, ou dans les
terres limoneuses de Cabessut. Ils sont l’âme de leur propriétaire,
modeste ou ambitieux, mais toujours humble face à la nature ! De
cette convergence jardin/patrimoine (public et privé) est née un rêve.
Celui d’ouvrir tous les jardins afin de les mettre à portée de tous, le
temps d’un rendez-vous. Le festival Cahors de jardin en jardin en
est une illustration. Il y en a beaucoup d’autres. Comme le projet
Intérieur Jardin.
Intérieur, donc. Un pari ? Une plaisanterie ? Non, le jardin pousse
aussi en intérieur. Demandons aux artistes de nous le prouver en
leur confiant un lieu du patrimoine – le Grenier du Chapitre. Les
artistes ? Une plasticienne du végétal, Violaine Laveaux ; un peintre,
Jean-Pierre Rodrigo ; et un paysagiste, Marc Laffont. Les trois vivent
dans le Lot mais leurs origines sont ailleurs. La tierra seca ibérique
pour l’un, les embruns du Cap Ferret pour l’autre, les montagnes des
Pyrénées pour le troisième. De la rencontre de ces trois-là est née
un autre jardin, créé en résonnance, chacun des artistes travaillant
dans sa discipline mais chacun « écoutant l’autre ».
De Jean-Pierre Rodrigo, peintre musicien – il a dirigé l’Ecole
de musique de Cahors pendant de longues années, retenons la
partition. Ses cactus et figas de moro sont l’empreinte d’une
absente. Tant qu’il n’aura pas épuisé son sujet, il reviendra dessus,
pour notre plus grand plaisir. Jean-Pierre travaille par répétition,
en série, en improvisation, dans l’urgence de l’idée qui vient et
qu’il ne faut surtout pas perdre. Tout en émotion, en fulgurance, en
tâtonnements. Pour Intérieur Jardin, il propose ses peintures sur
toile et sur papier, mais aussi ses volumes. Avec Marc Laffont, la
terre, rouge, sèche a été leur point de rencontre.
Violaine Laveaux trace des lignes comme si elle écrivait ses
installations. Légèreté, délicatesse et profondeur. La terre crue,
l’encre et le talc sont ses outils de travail. Quand elle a vu le lieu,
immédiatement chacun a pu sentir son esprit se mettre en éveil.
Elle savait où elle s’installerait, et surtout qu’elle ferait une intrusion
dans le Cloître de la Cathédrale Saint-Étienne. « Marc, les points
cardinaux, le buis, la boussole, l’étymologie des plantes… ». Elle
semble naviguer sur terre, l’esprit dans quelques constellations qui
lui donne le sens du chemin à suivre.
Marc Laffont a été leur trait d’union. Le seul à travailler le vivant,à savoir que même à l’intérieur, le jardin respire, lui qui toute l’année,
se plie aux saisons et aux saute d’humeur de la nature.
Jusqu’à l’épuisement ou à l’émerveillement.
Au cours de ces dix dernières années, j’ai abordé trois grandes séries de peintures : Molinos para el Quijote (1999-2003), Les cactus de Youyou et Figas de moro (depuis 2003), Càntirs (gargoulette catalane, depuis 2006). J’ai décliné ce dernier thème en pièces de céramique à l’image des càntirs, mais sous la forme de sculptures plutôt que de récipients.
Quelques sujets de pure architecture se sont insérés de temps à autre entre ces séries : Château d’Angers, Toledo, Nîmes/arena y
montera.
Pour l’exposition Intérieur jardin au Grenier du Chapitre, le thème
des Cactus s’est naturellement imposé : les murs recevront les
peintures à l’acrylique sur papier et sur toile, et le sol, une installationévoquant un jardin sec et présentant des éléments de terre cuite
peints.
Le figuier de barbarie évoque pour moi, outre un puissant souvenir
affectif, une architecture emblématique au dessin idéalement épuré,à la façade lisse, douce au toucher mais hérissée de défenses telle
une forteresse, toute au service de sa fonction, celle de château
d’eau...
Il y a dix ans, j’exposais mes peintures des années 1990, sous le
titre Tàrraco sèries / Italiques, tout l’été au Museu d’Art Modern de
Tarragona (Catalogne). Ces huit années de peinture représentaient
alors un premier aboutissement du travail entrepris sur les thèmes
qui, depuis 1976, m’inspirent toujours aujourd’hui, à savoir et surtout,
l’architecture (humble ou élaborée) mais aussi, l’archéologie (plans
de fouilles, objets...) et l’art préhistorique.
Les peintures exposées étaient inspirées par les monuments de
Tàrraco (Tarragona, ville impériale et capitale de la Tarraconensis
romaine en Espagne), les villas de Palladio, l’architecture de
Bramante et les dessins de projets (architectures et machineries)
de Léonard de Vinci.
Dans le catalogue de l’exposition, Raquel Medina écrit à ce sujet :« (Pour JPR) l’architecture comprise comme source d’inspiration
au sens large, embrasse non seulement l’édifice mais aussi les
diverses phases du processus de construction, (plans, élévations,
perspectives, projections...) incluant tout ce qui y participe, rendant
hommage pour cela à quelques grands architectes de l’histoire
et aux outillages les plus humbles liés au travail du maçon et du
peintre...»«...l’architecture est le référent constant et inéluctable, mais il
convient d’insister sur le caractère ouvert, intuitif et changeant de
ce concept qui, de fait, demeure comme un substrat, une idée de
fond...»« L’approche des thèmes est éminemment émotive, Rodrigo ne
se laissant pas conditionner par les aspects techniques ou de
composition,et encore moins par la facture, l’exécution se révélant
assez souvent gestuelle...»« Le dessin, toujours présent, est le protagoniste de nombre de ses
peintures... la couleur est généralement austère, les tons naturels
dominent avec les ocres, terres, briques, avec pour contrepoint le
blanc et la ligne noire. La fonction du blanc est très importante...
trait essentiel de son langage morphologique, il délimite, définit,
divise en séquences, créant ainsi des ruptures dans la lecture
directe, rendant possible une respiration, insérant une pause, une
parenthèse, aussi nécessaires que le silence en musique.
...Le fait de Rodrigo est d’évoquer les fragments d’un itinéraire, épisodes de la mémoire, qui tissent une profonde trame émotive,
passionnelle et poétique.» Raquel Medina est Docteur en Histoire de l’art, Critique de l’ACCAAICA
Pour Intérieur Jardin, je propose une interface entre les oeuvres
de Violaine, plasticienne végétale et celles de Jean-Pierre, artistepeintre.
Un trait d’union entre l’homme et la femme. Mon travail, par
la spécificité du lieu, est un jeu d’ombres et de lumières où tous les
sens sont sollicités. De l’esprit du détail vers la simplicité, tout ceci
n’est que reproduction de ce que la nature m’a permis d’observer, de
comprendre. Entre le peintre et la plasticienne, je travaille le vivant,
j’apporte le végétal, le minéral et je laisse pousser l’inspiration.
Même intérieur, le jardin respire.
Le jardin à portée de tous, voilà ce qui m’anime. Il doit être un havre
de paix et non une contrainte, l’expression d’une harmonie entre la
nature et son propriétaire, que l’espace soit petit ou grand, à flanc de
causse, citadin ou perdu dans une combe. Le jardin est une culture
où se mêlent fleurs, formes, lumières, arômes, architectures.
Pour tout cela, je m’applique à créer une relation d’intimité entre le milieu et son occupant. Trop souvent je suis témoin
d’incompréhensions, de déceptions, trop souvent le propriétaire
avec qui je travaille oublie qu’un jardin est un îlot de nature. Qu’un
jardin est tout simplement vivant et que donc, par l’ignorance, la
négligence, dame nature en conséquence reprend ses droits.
Intégrer l’histoire d’un lieu, ses contraintes techniques, son
biotope… savoir communiquer ces règles du jeu pour que le
propriétaire avec qui je travaille devienne acteur et puis bâtir avec
lui son projet de jardin à son image… c’est mon quotidien ! Le jardin
est le prolongement d’un intérieur, un peu de soi dévoilé, sublimé avec le temps. Le jardin est aussi comme un enfant… deux ans, cinq
ans, dix ans… des crises, des moments de bonheur, des attentes,
mais toujours une belle leçon de vie. La vie, oui, parlons-en : stress,
technologies bio ou pas, informatique, robotisation, surmenage,
et puis… le jardin. Un des rares espaces où encore aujourd’hui et
pour longtemps, toutes les tranches d’âge ont la même passion.
L’expérience, l’innovation, les échanges en font le ciment.
C’est dans cet esprit d’accompagnement vers l’intelligence du
jardin que je développe le concept de « coaching » avec les Jardins
d’Épicure. L’objectif est d’accompagner de façon personnalisée ceux
qui sont en attente de création, de réaménagement ou d’entretien.
Un regard professionnel, des conseils techniques et des idées de
personnalisation doivent leur permettre d’avoir la maîtrise de leur
projet de jardin. Comme Épicure, je fais école dans mon jardin,
suspendu au dessus du Lot que j’ai imaginé comme une décoration
intérieure, un lieu de vie avec ses couleurs, ses senteurs et ses coins
secrets.
Jardins d’Épicure - 113, Bis Rue Paul Verlaine - 46000 Cahors
06 27 78 11 70 jardins. Épicure@orange.fr
Plasticienne, vit et travaille à Figeac (Lot) depuis 1994 , violaine.laveaux.free.fr
Il m’a fallu quitter la mer pour comprendre ses influences, ses
incidences, la part du jardin dans mon existence. Les connivences
entre terre, mer et ciel. J’ai grandi au jardin, comme on resteà quai en scrutant l’horizon, observant ce presque rien qui dessine et
décide.
Rencontres avec Marc Laffont :
Il a le goût des mots et des images.
Il me dit que c’est sur la Bouriane que l’on trouve du mâchefer, cette
pierre noire aux accents rouge. Qu’il lui arrive parfois de négocier un
lot de pierres avec un trufficulteur à la retraite.
Il me dit : les amandiers se plaisent sur le Causse et dans les zones
truffières. Le bois de cade s’exprime quand on le chauffe. Le buis
est un traceur.
Et surtout, il me montre. Une petite boîte de buis qu’il fera surgir
d’un geste, du fond de sa poche et qui tient dans le creux de la main.
Des mains de marins. Basques. Tapie au fond de leur poche, elle fait
office de boussole sentimentale, et redessine sans cesse la carte du
tendre. Boîte à senteur - elle abrite un coton imbibé d’essence de
rose de damas-, elle est la mémoire olfactive du corps de l’aimée.
Le lien à la terre a la teneur d’une rose.
Je choisis de développer une installation dedans comme une
navigation entre ici et l’ailleurs. Une petite cosmogonie autour du
buis, à partir de son étymologie.
Son nom latin buxus a donné le mot boîte, box en anglais, bussola,
petite boîte en italien et par extension, boussole (les marins gardaient
leur boussole dans des petites boîtes en buis).
Le buis, comme une bouée de sauvetage, nous aide à garder le
Nord. Les premières boussoles -invention chinoise- pointaient le
Sud. Composées d’une plaque carrée (la terre), d’un disque tournant
(le ciel), c’est une cuillère (autre figure de la Grande Ourse) qui nous
l’indique. Je puiserai dans ce répertoire de formes (cuillère, boîte,
buis, flèche) pour décliner une installation entre terre et ciel, et y
inscrire les thèmes récurrents de mon travail.
Des tamis, sabliers du temps, dévoilent quelques constellations :
corbeau, loup, grande ourse.
Dans la galerie du cloître, j’installe aux quatre coins, aux quatre
pôles Nord, Sud, Est, Ouest, l’image sculptée des végétaux les mieux
adaptés à ces orientations. De terre crue, d’encre et de talc. Boutons
ou capsules, montés en graines ou fanés. Choisis pour leur volume,
en lien avec l’architecture.
Expositions / installations 2008 :
Vertige n°3 : jardin blanc - Centro Cultural de Castejon de Sos, Espagne, août 2008
Terre d’encre - Les Photofolies, Rodez, Galerie la Menuiserie, octobre 2008
Constellation du loup - Atelier d’Estienne, Pont-Scorff, octobre /janvier 2009
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